ENTRETIEN EXCLUSIF
Sarah Barzotti : «Notre papa était généreux, simple et extraordinaire»
PIERRE NIZET
Sarah: «Une photo prise en janvier de papa et de notre petite famille».DR
Des milliers de personnes, connues ou inconnues, ont été touchées par la disparition de Claude Barzotti, décédé chez lui, le 24 juin, d’un cancer du pancréas.
Ses deux filles, Vanessa et Sarah ont pu constater – mais en doutaient-elles ? – tout le bonheur qu’avait apporté leur papa à ses fans et à ceux qui le connaissaient. Elles ont entamé leur deuil.
Elles doivent surmonter ces journées difficiles, comme ce fut le cas ce vendredi après-midi, avec l’hommage que les gens ont pu lui rendre au crématorium du « Champ de Court ». Ce samedi, la commune de Court-Saint-Etienne, où a vécu le « Rital », s’attend à accueillir quelques milliers de personnes pour ses funérailles qui auront lieu à 11h du matin, à l’église de Tangissart.
Nous avons appelé Sarah, sa fille cadette. Elle a eu la gentillesse de nous parler. Elle est accompagnée de son mari, Maher, de ses filles et d’Alessandro, le frère aîné de Francesco. C’était le vrai prénom de Claude. « Nous sommes touchés par toutes ces marques de sympathie venues de partout dans le monde. Je pense qu’il n’y avait pas une personne qui n’aimait pas mon papa ».
Son papa, que retient-elle de lui ? « Il y a tellement de choses à dire que cela prendrait des jours. Je retiens sa générosité, sa simplicité. C’était un papa et un nonno extraordinaire. Tout l’amour qu’il avait pour ses petites-filles, c’est fou ».
Lui qui voulait tant avoir des garçons. « Ma sœur et moi, nous n’avons pas pu lui en donner mais je crois que s’il avait eu un petit-fils, il l’aurait gâté encore plus que nos filles ».
Il avait le cœur sur la main, dit-on de lui. « C’était plus que cela. Je regrette vraiment de ne lui avoir pas fait profiter plus de ce qu’il avait. C’était le plus grand radin du monde en ce qui le concerne. Mais pas pour les autres. Là, pour nous dire au revoir, il a voulu offrir un bijou à toute sa famille et à son meilleur ami. Lui, il n’aimait rien, il ne voulait rien. C’était la croix et la bannière pour lui trouver un cadeau pour la Noël ou pour la Fête des pères ».
Le petit accordéon vert
« Il avait deux folies », souligne son beau-fils. « Sa maison et les voitures. Il a gardé cette folie pour sa maison mais plus pour les voitures ». « Lui », poursuit Sarah, « il n’aimait pas les bijoux. Il aurait pu s’acheter une belle montre… mais non. Alors, on lui achetait ses costumes de scène ». Pas ceux qu’il mettait pour chanter. « Non, non, c’était ses pyjamas », acquiesce Maher. « Vers 22h, même quand il avait des invités à manger à la maison, il disait qu’il montait dans sa chambre pour mettre sa tenue de scène. Et il descendait en pyjama ».
« Oui, mais pas n’importe quel pyjama », interrompt Sarah. « Il adorait la marque Arthur. S’il n’avait pas été connu, nous aurions mis son pyjama préféré pour sa dernière tenue ». Ce n’est pas le cas. Claude porte un costume bleu. « Je suis allé la semaine dernière à un enterrement de la fille d’un ami. Mon beau-père a vu mon costume noir que j’avais acheté et il m’a dit que j’étais beau dedans. Il m’a demandé d’acheter le même. Je ne savais pas pourquoi. Puis, il m’a téléphoné et m’a dit d’en prendre un deuxième. Un bleu. Il m’a avoué quand je suis revenu à sa maison que c’était le costume qu’il voulait porter pour son dernier au revoir. Et qu’il préférait le bleu. Il m’avait aussi demandé d’acheter une chemise blanche ».
Alessandro Barzotti est à côté de lui. Il habite Milan et a partagé sa jeunesse avec son frère, à Court-Saint-Étienne. Nous lui demandons s’il a un souvenir d’enfance. Son regard s’illumine. « Il avait des problèmes aux dents, il fallait les arracher. Pour lui faire passer la douleur, nos parents ont acheté à chacun un petit accordéon vert. On n’avait pas de jouet à l’époque. Qu’est-ce qu’on a profité de nos accordéons ! Pour l’anecdote, nos voisins d’en face avaient un petit orchestre et nous entendaient chanter et jouer. Ils nous ont invités et nous ont fait chanter. À moi, ils m’ont dit : ‘Tais-toi’. Ils préféraient entendre mon frère (rires) ».
On lui dit qu’il est mieux où il est, après ces derniers mois de souffrance. « Oui, je sais, mais on ne parvient pas encore à se le dire. On l’a tant aimé ici, tant chouchouté. Il était très sincère, il ne tournait jamais autour du pot ». On lui fait remarquer qu’il aurait pu profiter de tous ses voyages qui l’ont mené partout dans le monde. « Moi, quand j’étais avec lui, je l’ai fait. Lui, il n’aimait pas ça. La première chose qu’il faisait, c’était allumer la télé dans sa chambre d’hôtel ».
« Un grand travailleur »
« Mon beau-père n’a pas fait d’études », relève Maher. « Quand il revenait de l’école avec son bulletin, il n’y avait que du rouge et un seul vert : pour la gym. Il avait fait croire à son papa qui n’avait pas non plus été très scolarisé, que le rouge, c’était bien. Que le vert, c’était mauvais et qu’il n’était donc pas bon en gymnastique. Pourtant, il était intelligent. Il écrivait sans faute et connaissait beaucoup de choses. Cela, grâce à la télévision. Il regardait les journaux télévisés de RTL et de la RTBF. Il enchaînait sur ceux de la télé italienne. Il n’aurait pour rien au monde raté les « Douze coups de Midi ». Il regardait des « Chiffres et des Lettres » et trouvait les bons comptes et les mots les plus longs. Il aimait « Questions pour un Champion ». En vacances en Tunisie, il me demandait toujours de mettre France 3 ».
Une photo datant de 2011. «Je ne regrette rien», nous avait-il dit récemment. Photo News
« Surtout », conclut le mari de Sarah Barzotti, « c’était un grand travailleur. Ses 85 allers-retours effectués pour se rendre au Canada, c’était du travail. Il a volé plus souvent et plus longtemps que les pilotes d’avion eux-mêmes. Oui, le travail. Il nous a demandé de conserver tout ce qu’il a construit… »
«Il a écrit une chanson pour son départ»
Les funérailles de Claude Barzotti ont donc lieu ce samedi. « Nous tenons à remercier la commune de Court-Saint-Etienne et la police car elles travaillent beaucoup pour que cela se passe bien. On n’ose pas le croire mais ils nous ont dit qu’ils attendaient 10.000 personnes ». Soit presque le nombre d’habitants de la commune brabançonne. « Nous tenons aussi à remercier les pompes funèbres Taburiaux, le crématorium et le père Manu de la paroisse de Tangissart ».
Concrètement, explique Maher, le beau-fils du chanteur et époux de Sarah Barzotti, « c’est Claude qui vient chercher la famille à sa maison. Il n’y a pas de levée de corps. Il nous conduira à l’église. Puis, nous retournerons chez lui pendant que les gens pourront se recueillir. Il nous rejoindra ensuite et nous amènera à sa dernière demeure ». Il reposera aux côtés de ses parents qu’il adorait, dans le mausolée qu’il a fait construire. « Il y a la place pour six Barzotti : ses parents, lui et ses filles. Pour son frère aussi mais il a sa vie en Italie ».
La petite église ne pourra pas accueillir tout le monde. « On est en train de faire la liste. Il y aura la place pour 170 personnes ». Les autres pourront suivre la messe à l’extérieur où il y aura un écran géant de 2m sur 3m. « On m’a dit que des gens viendront spécialement du Canada », s’étonne Sarah. « Oui », répond-elle quand on lui demande s’il y aura des chansons de son papa. Et c’est expliqué par son époux : « Il y aura notamment une chanson que personne n’a jamais entendue. Il l’a commencée en novembre pour son départ. Ce ne sera malheureusement pas sa voix à lui car il n’a pas eu le temps de l’enregistrer. Elle s’appelle « Donnez-moi le temps ». Ce sont des paroles dures à écouter quand on sait que la personne qui l’a écrite était consciente du fait qu’elle était condamnée. Cela m’a démoralisé quand je l’ai entendue. Mais quel courage. C’est sa manière de parler de son expérience aux gens qu’il aimait bien ».
Il y aura aussi « Une chanson douce », une berceuse italo-belge qu’il a créée pour ses petites-filles. « Il y aura le « Merci », chanson qu’il a créée pour la fin de son spectacle à l’Olympia », révèle Sarah.
« Je vole » de Céline Dion
Les deux sœurs ont choisi des chansons qui leur tiennent à cœur ou d’artistes que Claude appréciait. C’est le cas de « I Giardini di Marzo » de Lucio Battisti. « Il y aura aussi une chanson de Céline Dion, « Je vole » car elle a fait les premières parties de Claude quand elle était jeune. René, son mari, lui a souvent demandé d’écrire des chansons pour elle », rappelle son beau-fils. Bien sûr, il y aura de nombreuses personnalités de marque. On cite les noms d’Enzo Scifo, de Lou Deprijk, de Michèle Torr, d’Elio Di Rupo et de bien d’autres encore…