Joe Dassin et son amour de jeunesse, Dorothy Sherrick, à qui il dédicaça ses nouvelles.
Crédits photo: collection personnelle de RICHELLE
Le 20 mars 2013 sur RTL Stéphane Bern reçoit Richelle Dassin pour la sortie du livre "Cadeau pour Dorothy".
interview de Richelle Dassin sur RTL
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A l'occasion de la parution de quatre nouvelles inédites de Joe Dassin, Cadeau pour Dorothy (éditions Flammarion), Philippe Collin et Xavier Mauduit reçoivent aujourd'hui Richelle Dassin, soeur de l'auteur, traductrice de ses oeuvres. Plus connu pour ses chansons en tête des hits-parades, on découvre une autre facette de Joe Dassin avec la parution de cet ouvrage sur l'Amérique en mutation.
interview de Richelle DASSIN sur France inter ci-dessous
Par Bertrand Guyard Publié le 18/03/2013 Le Figaro
Joe Dassin :
extrait en avant-première de ses nouvelles
Flammarion a publié ce mercredi 20 mars 2013 quatre textes posthumes écrits par le chanteur alors qu'il avait 20 ans. Rédigés en anglais, ils ont été traduits par sa sœur Richelle et son ami Alain Giraud.
«Je sais maintenant ce que je veux faire: être écrivain». Cette profession de foi, Joe Dassin l'écrit à son père, le cinéaste Jules Dassin, alors qu'il a tout juste 21 ans. Le futur interprète deChamps Elysées ne plaisante pas. Il publie dans sa langue maternelle, l'anglais, deux nouvelles, dont une (Wade in the Water) recevra le premier prix de son université. Richelle Dassin, sa soeur, se souvient que dès son plus jeune âge son frère était passionné par la lecture «Il dévorait les grands écrivains américains: Steinbeck, Hemingway, Salinger, Caldwell... Il était aussi un lecteur avide de science-fiction. Il s'est constitué une immense bibliothèque dont il était très fier. Son écrivain français préféré était Giono». À la fin de ses études secondaires, il prépare le bac français. Lui le futur chanteur à succès ne connaît qu'un modèle: Georges Brassens. Dix ans plus tard, le prince des mots de la chanson française rendra hommage au chanteur populaire pour sa chanson Marie-Jeanne.
Pour imiter son modèle, Georges Brassens, le jeune Joe fume la pipe
On connaît le destin de Joe Dassin. Il ne deviendra pas écrivain. Il sera de 1965 à 1980 l'un des plus grands vendeurs de disques de l'époque. Le Petit pain au chocolat, La Fleur aux dents, L'Amérique,L'Été indien... tous ses titres ont atteint le sommet des hit-parades. La vedette de la chanson est extrêmement sollicitée. Il assure des tournées en France, en Allemagne. Il est une des stars préférées des shows des Carpentier et de Guy Lux. Épuisé, il est victime d'un premier malaise cardiaque. Ses médecins lui conseillent de ralentir son rythme de travail. Le 20 août 1980, son cœur ne résiste pas . Il s'écroule au milieu de ses amis dans un restaurant de Papeete à Tahiti.
Facebook exhume les manuscrits
Mort à 41 ans, Joe Dassin n' a pas pu vivre tous ses rêves. Sa sœur Richelle Dassin en est persuadée. «Il est devenu chanteur pour gagner sa vie». Au fond d'elle même, elle pense que son frère chéri est un romancier contrarié. Il y a deux ans, son neveu Jonathan reçoit un message sur Facebook «êtes-vous le fils de Joe Dassin?». Dorothy, l'amour de jeunesse du chanteur, vient de retrouver les nouvelles que Joe lui avait dédiées. Jonathan confie les manuscrits à sa tante. Elle voulait depuis longtemps publier la nouvelle américaine primée de Joe.
Avec quatre histoires, dont une presque autobiographique, elle sait que le projet sera suffisant pour une maison d'édition. Elle prend ce projet à bras le corps. Elle assure en personne, aidée de l'ami d'université de son frère, Alain Giraud, la traduction . «Nous savions Alain et moi, que ce ne serait pas un travail facile. Mon frère adorait créer des néologismes en anglais, confie Richelle. Il s'appuyait aussi sur un style métaphorique difficilement traduisible».
«Je crois qu'il y a de bons passages»
Cadeau pour Dorothy sortira mercredi 20 mars. Les quatre nouvelles de Joe Dassin évoquent des histoires différentes. La première, Réunion de famille est quasiment autobiographique. Elle décrit l'univers de l'enfance de Joe à travers la vie de son grand-père. La seconde, Gospel raconte le racisme latent preque inconscient de l'amérique des années 50. La troisième, Gloire du matin et bocaux d'olives, l'âme complexe d'un homme qui ne sait pas assumer sa sensibilité. Enfin Baleine sur canapé romance l'histoire d'amour qu'il vécut pendant le tournage d'un film de son père.
Ces nouvelles méritaient-elles d'être publiées? C'est Joe Dassin lui-même, en perfectionniste scrupuleux, qui, dans la dédicace qu'il écrivit à Dorothy Sherrick, nous suggère ce qu'il faut en penser: «Il n' y a là, ma chérie, guère autre chose qu'un premier jet mis au propre, bien que j'en aie déjà coupé presque vingt pages. J'y ai tellement travaillé la semaine dernière que j'en suis à détester chaque mot mais, sérieusement, je crois qu'il y a de bons passages.»
Extrait de Réunion de famille,
une nouvelle autobiographique romancée. Elle a pour thème la vie à New York de sa famille.
Joe et sa sœur Richelle tenue par Jules Dassin.
Mon père avait cinq frères. Lui et ma mère- qui eurent quelques déboires lorsque l'époque redevint plus prospère - parlent souvent avec émotion du bon vieux temps de la Dépression,quand les fils Bonani étaient la terreur et la gloire du territoire qui s'étendait entre le métro aérien et l'East River, entre Houston et Delancey Street.
Cela se passait, bien entendu, après le départ de Papy Bonani avec l'infâme Ethel, dont le nom dans notre famille était toujours prononcé à voix basse. Bonani était venu de la Calabre en fond de cale, à l'âge de dix-neuf ans, après avoiremprunté un petit paquet de lires à chacun des membres, même les plus éloignés, de sa vaste famille.
Il avait été apprenti barbier dans son village de Bagnoli et trouva du travail à Manhattan chez un coiffeur quatre jours après avoirembobiné l'agent de l'immigration grâce à la fausse lettre d'un oncle imaginaire se portant garant côté finances. La lettre avait été écrite par un instituteur qui se spécialisait dans ce genre de correspondance et cela avait coûté à Bonani ses premiers jours de salaire. Deux ans plus tard,il était propriétaire de ses instruments de coiffure, marié et père d'un petit garçon portant le prénom de celui de ses parents qui lui avait prêté le plus d'argent pour partir en Amérique.
La Prohibition fut bonne fille avec lui. Il trouva un job de rêve comme coiffeur personnel d'un trafiquant de rhum, rital nostalgique qui parlait uniquement anglais à ses collègues italiens et ne s'autorisait des moments de détente dans sa langue maternelle qu'avec son barbier privé.
Bonani, riche d'honoraires exorbitants, déménagea sa femme à Brooklyn Heights et lui fit quatre fils supplémentaires en cinq ans. Là dessus son patron fut abattu à la mitraillette, le jour de son quarantième anniversaire, dans un bordel célèbre dont il était le propriétaire.
Bonani trouva un nouveau travail comme barbier remplaçant d'un grand salon de coiffure à vingt-cinq fauteuils du Lower East Side, mais l'Histoire voulut que la perte de sa sinécure arrive au moment le plus inopportun. Le krach de Wall Street eut lieu moins d'un mois plus tard et la Grande Dépression qui suivit, parmi ses méfaits les plus bénins, entraîna la fin du besoin de remplacements dans le salon de coiffure: les barbiers titulaires, pleins de reconnaissance pour la sécurité de leur emploi en ces temps incertains, exprimaient leur gratitude par une remarquable assiduité au travail.
Même s'il avait acquis un certain vernis de sophistication mondaine au contact de feu son patron, Bonani conservait une vision fondamentalement paysanne des choses: à lui sa part de travail, à Dieu la sienne. Moyennant quoi la suite des évènements s'avéra désastreuse.
Bonani avait atteint un âge où il s'était lassé de sa femme et commençait à manifester déception et frustrations. Il finit par affirmer sa liberté et son détachement vis-à-vis de toute obligation morale en persuadant Ethel de fuir avec lui dans le New Jersey.
Personne n'a jamais su grand-chose concernant Ethel. Elle était sa maîtresse depuis plusieurs années et lui avait même rendu visite chez lui une fois, alors qu'il était malade, se faisant passer pour l'épouse du frère d'un camarade de loge. Les enfants se souvenaient d'elle comme d'une femme à l'allure étrangement masculine, avec des vêtements sévères et une bouche comme une lame de ressort. Pendant un an ou deux, Bonani fit des tentatives sporadiques pour revoir ses enfants, mais ni lui ni eux ne se sentaient très à l'aise pendant ces rencontres de plus en plus espacées et, peu à peu, il disparut complètement de leur vie.
D'après la légende familiale, quand Mamie Bonani eut finalement été convaincue qu'il était parti pour de bon, elle s'enferma pendant trois heures dans la salle de bains. Aucun de ses six fils n'a jamais su si c'était pour pleurer ou parce qu'elle éprouvait le besoin de réfléchir au calme.Quand elle réapparut, elle donna à Peter, l'aîné,une pièce de cinq sous des économies du foyerpour aller acheter un journal et chercher du boulot parmi les offres d'emploi.
Au bout du compte, ils s'entassèrent dans un deux pièces à Spanish Harlem et, bientôt, même le petit dernier, Eddy, eut un travail. De déménagement en déménagement, ils survécurent ainsi à la Dépression et cela laissa aux garçons un sens de la solidarité familiale en acier trempé.
Plus tard, ils se sépareraient pour aller vivre dans différents coins du pays, mais ce lien de fraternité spécial forgé entre les frères Bonani resterait toujours intact.
Mon père s'installa à Los Angeles, où il s'était trouvé un poste de professeur d'anglais. Nous étions très proches de mon oncle Eddy et de sa famille qui habitaient dans la vallée de San Fernando, pour ainsi dire la porte à côté, et il ne s'écoulait pas un seul jour sans que nous soyons tenus au courant de tout ce qui se passait dans la vie de mes autres oncles - Peter et Carno, toujours à New York, Nick, négociant en fourrures à Cleveland, et John, qui tenait un débit d'alcool à Detroit. Il n'y avait cependant pas beaucoup d'occasions de les voir tous ensemble...
Quatre nouvelles inédites du chanteur et compositeur Joe Dassin ont été retrouvées. Sa soeur, Richelle Dassin, les a publiées aux éditions Flammarion, à titre posthume, dans un recueil baptisé Cadeau pour Dorothy qui est dans les librairies depuis le mercredi 20 mars 2013.
Un cadeau pour Dorothy
Joe Dassin, lorsqu'il est étudiant aux Etats-Unis à la fin des années 50 envoie une lettre à son père, le cinéaste Jules Dassin: "je sais maintenant ce que je veux faire, être écrivain". Il a 21 ans et il passe à l'acte, il écrit en anglais, sa langue maternelle. Deux de ses nouvelles sont publiées dans le journal de son université. Elles sont dans le livre ainsi qu'une troisième que la soeur cadette de Joe, Richelle Dassin, a retrouvée dans les papiers de son frère. Quant à la quatrième nouvelle, celle qui ouvre le recueil, elle est réapparue dans des circonstances extraordinaires. Joe l'avait écrite en cadeau d'anniversaire pour sa petite amie américaine de l'époque, une certaine Dorothy.
La plus émouvante des quatre histoires que raconte Joe Dassin dans Cadeau pour Dorothy est sans doute la deuxième, Gospel : une dénonciation du racisme aussi stupide qu'ordinaire dans l'Amérique ségrégationniste.
Article de presse dans GALA du 20 mars 2013
Magazine Nous deux du 2 au 8 avril 2013 Page 8
Magazine France Dimanche du 29 mars au 4 avril 2013
Interview Richelle DASSIN par Ouest France Trouville
Photo presse Ouest France vendredi 26 avril 2013
Richelle Dassin profite du soleil avec Ophélie, chienne de sa meilleure amie, décédée récemment.
Richelle Dassin:"Ah que Trouville était jolie"
Entretien avec Richelle Dassin
Qu'est-ce qui vous rapproche de Trouville et Deauville ?
Jules Dassin, notre père, nous ramène en France en 1953. Car aux Etats-Unis, le maccarthysme fait s'éloigner certains créateurs. Nous sommes alors accueillis par la famille du cinéma et très vite, nous découvrons Deauville et Trouville. Jules adore Marguerite Duras et, plus tard, Françoise Sagan. Mais il préfère plutôt Deauville et l'hôtel Normandy. Et ma mère, Béatrice, s'attachera à la plage de Trouville et l'hôtel Florian. Elle se rapproche des peintres d'Honfleur.
Nous venons en famille très souvent le week-end. J'écris même une chanson avec Claude Lemesle. Joe compose la musique et Julie, notre soeur, l'interprète : « Ah que Trouville était jolie ». Ici on s'est souvent trouvé bien. C'est un pays enchanté.
Le public n'a pas connu Joe en tant qu'écrivain. Pourquoi ?
Il faut savoir que la famille est passionnée de lecture. Jules, notre père, nous faisait la lecture à haute voix. Les livres faisaient partie de notre vie.
Joe, adolescent, a écrit un livre d'enfant illustré : l'histoire d'une mite qui va à l'opéra dans un étui de violon. Joe a toujours su faire plusieurs choses à la fois. Il déclare à son père : « Je veux être écrivain ! »
Et en même temps, il suivra des cours d'ethnologie, dont il sortira diplômé. Et à côté de ses études, il joue de la guitare blues (La guitare ne ment pas, dit-il !) et écrit des nouvelles dont certaines seront publiées et même primées. Quand il s'installe en France, sa première femme, Maryse, qui aimait le garçon chanteur, l'entraîne dans cette voie qui le rendra célèbre.
Pourquoi traduire et publier si longtemps après ces nouvelles de Joe ?
C'est le hasard qui nous a fait rechercher les écrits de Joe. Il y a 3 ans, une de ses ex-petites amies du temps de la fac aux Etats-Unis, Dorothy, retrouve la trace d'un des fils de Joe et lui communique plus tard une nouvelle que Joe lui avait consacrée.
Et l'idée me vient de faire découvrir une autre facette de Joe : l'écrivain. Avec l'aide d'Alain Giraud, l'ami d'enfance de Joe, nous allons traduire quatre nouvelles et veiller à conserver le style de l'écrivain. Quatre histoires composées autour de moments forts de la vie de Joe. Ce travail permettra de compléter son image.
Joe était un personnage multiple, complexe et doué dans tout ce qu'il entreprenait. Peu de temps avant son départ à Tahiti, son dernier voyage, il m'avait confié qu'il souhaitait se retirer quelque temps dans les Rocheuses pour se consacrer à l'écriture.
Le livre de Joe Dassin, traduit par Richelle Dassin et Alain Giraud, Cadeau pour Dorothy, aux éditions Flammarion, est disponible en librairie.