Le fulgurant retour de Goldorak en bande dessinée
Par Olivier Delcroix
La double planche choisie ici met en scène le premier retour de Goldorak. «Il faut bien avouer que le personnage de Goldorak possède un design totémique,
avoue Bajram. Avec ses cornes, il fait parfois penser à un totem indien. Nous avions en tête cette dimension durant toute la confection de cet album.»
Apparu sur les écrans français en 1978, le dessin animé Goldorak a eu le temps de forger sa propre légende. Il revient en bande dessinée grâce à un quintet d'auteurs passionnés, qui ont mis quatre ans à peaufiner un album qui fera sans doute date dans l'histoire de la BD. © Kana 2021
LA CASE BD - Après quatre années de travail acharné, un quintet d'auteurs franco-belge fait renaître le robot géant créé par le mangaka Gô Nagai. Le dessinateur Denis Bajram décrypte l'une des planches emblématiques de cet album magistral.
C'est sans doute le plus célèbre robot géant de la pop culture européenne. Créé par le mangaka Gô Nagai, Goldorak débarque sur les écrans français en 1978 dans l'émission pour enfants d'Antenne 2. Avec lui, la Japanimation s'installe durablement dans l'inconscient collectif sur plusieurs générations.
Fulguropoing ! Le prince Actarus et son Goldorak reviennent en bande dessinée grâce à Xavier Dorison
En 2016, au festival d'Angoulême, le scénariste Xavier Dorison (scénariste multicarte, auteur de la série Le Troisième Testament, repreneur de Thorgal...) propose à l'éditrice des éditions Kana de se lancer dans un album entièrement consacré à Goldorak, robot mythique entré depuis dans la légende. Tout le monde est enthousiaste.
Autour du projet, qui obtient des Japonais et de Gôna Gai lui-même un avis positif, Dorison constitue une solide équipe. Vétéran de la BD franco-belge, créateur et dessinateur de la série d'anticipation Universal War One, Denis Bajram fait rapidement partie de l'aventure. «L'idée saugrenue de Xavier Dorison a entraîné une adhésion très forte, raconte Denis Bajram. Mais nous avons voulu fignoler cet album, qu'il ménage des séquences impressionnantes. Nous avons voulu prendre le temps nécessaire pour que tout soit parfait, et que ce retour soit au barycentre entre la BD franco-belge, le manga et les comics!»
"Moi, je n'ai eu qu'à me préoccuper de cette rutilante Cadillac de trente mètres de haut qu'est Goldorak."
Denis Bajram
Comme Denis Bajram ne se sentait pas capable de le faire tout seul, il s'adjoint les services de trois autres dessinateurs, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo. «Les personnages de Goldorak ont une vie très forte, analyse Bajram. Il fallait trouver un réglage fin pour que les héros japonais comme Rigel ne soient pas dissonants avec d'autres personnages plus réalistes tels qu'Actarus. Brice, Alexis et Yoann ont fait ça très bien. Moi, je n'ai eu qu'à me préoccuper de cette rutilante Cadillac de trente mètres de haut qu'est Goldorak. D'ailleurs, quand on dit que Goldorak est un robot géant, on se trompe. Goldorak possède un pilote. C'est un peu une sorte d'Iron Man géant.»
L'album Goldorak a nécessité quatre ans de travail intense pour le quintet. Il se présente comme une suite logique de la série animée. «Nous avons romancé les souvenirs que nous avions des dessins animés de notre enfance, note Bajram. Cet album, nous l'avons fait avec beaucoup d'émotion. C'est une histoire d'amitié, un album de groupe. C'est comme le Magical Mystery Tour des Beatles!» (Rires).
Près de 43 ans après la première apparition de Goldorak à la télévision, notre cher robot est de retour. Au fait, saviez-vous d'où vient son nom en français? Dans la version japonaise, le robot s'appelait Grendizer. Mais Jacques Canestrier, alors directeur commercial de la maison de production, aura su imposer Goldorak, un joyeux cocktail qui mélange le terme «Gold», issu du troisième James Bond Goldfinger, et Rak» qui rappelle un autre héros de la pop culture : Mandrake le magicien.
Bajram pense d'ailleurs à ce sujet qu'une partie de la fascination des gamins français vient de cette traduction française qu'il qualifie de «géniale». «Fulguropoing, Astéro-ache, Cornofulgur ! Ça claque encore bien aujourd'hui, précise-t-il. L'autre chose, c'est le fait que ce héros géant peut être piloté par des enfants. Dans l'imaginaire enfantin, on se verrait bien déplacer des bus avec les mains!»
Une double planche emblématique qui annonce la renaissance du plus célèbre robot géant de la pop culture : Goldorak Go ! © Kana 2021
Succès surprise pour la vente aux enchères Goldorak
Dès la première case, on devine le vaisseau porteur englouti dans les profondeurs de l'eau. «Goldorak sous l'eau, cela faisait penser à un galion disparu, coulé, comme une épave de navire laissée à l'abandon, décrypte le dessinateur. Nous avons pensé bien sûr au Trésor de Rackham le Rouge... Cela ramenait aux vieux récits de piraterie...»
Goldorak sous l'eau, cela fait penser à un galion disparu, coulé, comme une épave de navire laissée à l'abandon. © Kana 2021
Dans la première planche, les auteurs horizontalisent l'action et la ralentissent. Le héros Actarus hésite à se saisir des manettes de Goldorak. «Nous avons rallongé le temps, explique Bajram, nous nous sommes focalisés sur le tremblement de la main, la peur l'angoisse. »
Car oui, la première apparition de ce vieux géant de fer rouillé, envahi par les algues et les coraux n'est pas vraiment à la gloire de cet ancien chevalier des temps modernes. «C'est tout sauf le Goldorak triomphant que nous mettons en scène ici, admet Bajram. Dans la tête d'Actarus, il y a plein de souvenirs qui remontent à la surface. Le héros est assailli par des images traumatiques qui hantent sa mémoire...»
Surgissant de l'obscurité, Goldorak s'élance vers la lumière. Cette première apparition montre une silhouette dessinée par la lumière. Mais on y distingue tout de même les points de rouille...
«Nous n'avons pas voulu rendre un hommage distancié à ce héros de notre enfance, conclut Denis Bajram. Cet album doit se lire au premier degré. Nous y avons cru tout au long de la fabrication de l'album. Nous en sommes sortis épuisés émotionnellement. Moi, je voulais tellement me montrer à la hauteur des objectifs! Je sais que c'est un moment fort dans ma vie d'auteur. À l'âge de dix ans , j'ai conçu ma toute première BD. Elle racontait les aventures de Goldorak sur une vingtaine de pages. Je souhaite à n'importe quel auteur d'avoir la chance de connaître le même cycle d'accomplissement que j'ai connu avec ce personnage!»
Goldorak, de Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo, d'après Gô Nagai, 168 p., Kana éditions, collection Classics. 24,90 €.