S'obstiner à produire des concerts à Beyrouth, avec des artistes locaux ou arabes à l'affiche, sur fond de situation sécuritaire chaotique dégradante, relève assurément du défi. Accueillir des artistes étrangers, en revanche, relèverait plutôt de l'imprudence, dans un pays où les concerts des funérailles et les scènes d'explosions diverses, à contre-gré, ont su reprendre du terrain. Fort heureusement, il subsiste encore quelques tentatives clairsemées se voulant rassurantes, pour garder vivantes les nuits culturelles des Libanais envers et contre tout. Et si ces derniers vivent une situation navrante, réminiscence des années de guerre 70 et 80 que l'on espérait révolues, et auxquelles un retour forcé a été bel et bien imposé, il est temps peut-être de se remémorer aussi cette «belle époque» en musique, à travers des succès qui ont bercé les histoires de plus d'une génération.
C'est dans cette optique que StarSystem et 2U2C, toujours prêts à se lancer dans des initiatives aventureuses périlleuses malgré la situation locale, présentent, pour la saison froide, «Les Nuits nostalgie», six soirées musicales au Casino du Liban, réalisées en partenariat avec l'Institut français de Jounieh. Au programme, trois artistes qui ont déjà scellé leur histoire d'amour avec le public libanais: Claude Barzotti, Hervé Vilard et Richard Clayderman.
Célébrer l'amour, le printemps et Pâques
Pour ces « Nuits nostalgie », qui seront pourtant joyeuses plutôt que mélancoliques, les producteurs de l'événement ont imaginé une formule accessible à tous: deux représentations seront réservées à chaque artiste au Casino. L'une d'elle prendra la forme d'un dîner-spectacle à la Salle des ambassadeurs, et l'autre celle d'un concert au théâtre du Casino.
S'étant déjà produit à Beyrouth il y a plus de dix ans avec 2U2C, c'est Claude Barzotti, l'un des visages marquants de la chanson française des années 80, qui ouvrira le bal à la Saint-Valentin. Le rital, «italien jusque dans la peau», interprétera ses succès populaires, Madame, Aime-moi, ou encore, Je ne t'écrirai plus, les 14 et 15 février. La plupart des billets ayant déjà trouvé preneurs, une soirée supplémentaire a été programmée pour le 16 février.
Les 21 et 22 mars, ce sera au tour de Hervé Vilard de fêter le printemps à sa façon. L'auteur-compositeur et interprète français, qui a vendu plus de 40 millions de disques au cours de sa carrière, n'est en tout cas pas prêt d'oublier son dernier passage à Beyrouth en 1996, il y a plus de 18 ans. À l'époque, 2U2C et StarSystem s'étaient vus contraints de rajouter deux concerts supplémentaires aux deux soirées « sold-out » prévues initialement. En passant obligatoirement par La vie est belle, le monde est beau, Venise pour l'éternité, Reviens, Capri, c'est fini et Méditerranéenne, la star, qui s'apprête durant toute l'année 2014 à reprendre son répertoire des poètes lors d'une série de concerts en France, partagera ses plus grands tubes au pays du Cèdre, alors qu'elle vient de terminer son tour de France aux côtés des stars des yé-yé, avec le concert Génération âge tendre et têtes de bois. Une tournée couronnée de succès à laquelle Claude Barzotti, d'ailleurs, avait lui aussi pris part.
Enfin, c'est une fête de Pâques toute en sensibilité qui sera animée les 19 et 21 avril par le pianiste moderne le plus accompli, Richard Clayderman, qui a vendu à ce jour plus de 85 millions de disques. Avec 2000 concerts à son actif et plus de 1200 titres et compositions, le virtuose français est réputé pour avoir parcouru plus de 3 millions de kilomètres avec ses voyages, l'équivalent de 70 fois le tour du globe. En avril, il sera de passage pour la seconde fois à Beyrouth, sa première représentation remontant aux années 90. Il clôturera ainsi la première édition des «Nuits nostalgie», même si les producteurs de l'événement assurent que d'autres concerts reprendront dès l'automne, si tout se passe bien.
«Le concept des "Nuits nostalgie" est né du constat que les Libanais francophones se trouvent un réel plaisir à replonger dans les répertoires de la variété française des années 70-80-90, explique Amin Abi Yaghi, propriétaire de StarSystem. Mais ce flash-back n'est pas qu'en vogue au Liban. Même en France, aujourd'hui, les tournées de ces stars cartonnent. Le succès d'Âge tendre en est un réel exemple.» «Cela nous encourage donc à porter nos choix sur ces artistes qui apprécient de se produire en solo au Liban», ajoute Abi Yaghi, qui explique par ailleurs «qu'il est plus facile de convaincre des stars qui se sont déjà produites au Liban d'y revenir par ces temps de crise sécuritaire, car ils sont conscients que les remous de la vie politique n'ont jamais empêché les Libanais de célébrer». Et de poursuivre, déterminé: «Nous allons continuer à produire et organiser des événements malgré tout. Nous n'avons pas d'autre choix.»