DESTIN
Claude Barzotti : L'émotion à fleur de peau
© g. letellier/bestimage.
CLAUDE BARZOTTI
Décédé le 24 juin, cet auteur-compositeur-interprète belge à la voix unique n'aura pas eu une carrière à la hauteur de son grand talent.
C'est une métaphore de sa vie : au début des années 2000, Claude Barzotti se fait construire une superbe maison de 850 mètres carrés dans la campagne belge. Il ne l'habitera jamais, préférant demeurer dans son appartement de 60 mètres carrés de Court-Saint-Étienne, jusqu'à sa mort, à 69 ans. De combien de combats et de renoncements une existence est-elle faite ? « Le temps n'a rien changé/ Je porte ma défaite/ Comme un clown fatigué/ Je joue à faire la fête », chantait l'homme aux 12 millions de disques vendus.
Un artiste sur qui plane un malentendu
Ses parents, ouvriers, l'entraînent tout petit, avec son frère, de la Wallonie à l'Italie, de la Suisse au Luxembourg, et l'encouragent à chanter. À 6 ans, Claude reçoit un accordéon avant de suivre des cours de solfège et de s'exercer à la guitare classique. Artiste mais également champion de gymnastique puis mécanicien pour gagner son pain, Barzotti, 20 ans, écrit Madame, qui évoque son coup de cœur pour une quadragénaire qu'il n'ose aborder. On le compare à Frédéric François, archétype du Belge d'origine italienne voué à séduire un public féminin au fil de tubes sentimentaux. Mais son exigence le pousse à aller plus loin. La chanson lui ouvre les portes des disques Vogue à Bruxelles, mais il doit attendre 1982 pour venir à Paris et faire de ce titre un succès. 1983 est son année. Le Rital devient son titre étendard, écoulé à 1,5 million d'exemplaires, et… son surnom. Il est immédiatement suivi par le lyrique Je ne t'écrirai plus, où le timbre à la fois enroué et doux du chanteur fait merveille. Citant Brel, Aragon, Hugo et Verlaine, Barzotti y révèle un goût prononcé pour la poésie.
Des succès difficiles à gérer
Son voyage au Canada, où il triomphe en 1985 et emmène la jeune Céline Dion dans ses bagages, marque un apogée qui, avec le trac qu'il génère, lui est insupportable. « J'ai bu mon premier verre d'alcool à 33 ans, confiera-t-il en 2012, et, peu à peu, je suis passé à six bouteilles de whisky par jour. Ça a été ma maladie. » Homme simple et généreux, père de deux filles et ami fidèle, il se définissait d'une nature « solitaire et triste ». Il continue d'écrire et de composer. Participant à la tournée Âge tendre, il assure avoir « gagné 80 % de [son] combat contre l'alcoolisme ». Mais un cancer du pancréas le rattrape en 2020. « Il préférait qu'on le qualifie de chanteur d'émotion plutôt que de romantique. C'était un écorché vif, un vrai sensible », a déclaré, lors de sa disparition, son manager Laurent Comtat. Pas plus que sa somptueuse propriété, Claude Barzotti n'aura su, au fond, habiter ce succès trop grand pour ses doutes et son humilité. Restent ses chansons à fleur de peau, portées par sa voix à la fois éraillée et solaire, puissante ou murmurée.
OLIVIER RAJCHMAN
LE SAVIE Z-VOUS ?
J'ai eu beaucoup de mal quand mes parents sont partis, et je leur ai fait une chapelle à l'italienne, au cimetière de Court-Saint-Étienne, témoignait, il y a onze ans, Claude Barzotti, ajoutant vouloir les y rejoindre le jour venu. Ce fils aimant a retrouvé son père et sa mère à l'issue d'une cérémonie d'inhumation qui a eu lieu dans cette commune du Brabant, en Belgique, ce samedi 1er juillet.